jeudi 3 juillet 2008

" Le Gros Chat du navire"
vous accueille chez Marie-Paule
le premier week-end de juillet


Si les rats ont quitté le navire
C’est grâce à lui et à ses veilles.
Flanqué près des turbines, en parenthèses qui respirent,
Il ressemble à une ode au sommeil.
Les yeux bleus couleur d’océan quand il chavire,
Fixent le passager qui s’émerveille
D’être à bord sain et sauf,
Presque étonné lui-même d’avoir enfin largué les amarres de son pire…
D’une vois rassurée, incognito et comme clandestine,
Il se confie au félin et lui chuchote à l’oreille.
Le chat écoute, placide, la confidence qui expire.
Et le cœur de l’humain qui tique-taque comme un réveil.
Le chat stoppe son ronron et baille, ovale. Puis éclate de rire.
D’un rire que même en lui donnant la langue on ne saurait traduire.
Le voyageur, interloqué, comprend soudain le dérisoire de son problème.
Qui se noie au coucher du soleil.


"Les Deux Hérons du lac"
(lampe)

(lampe)



Me voici donc encore une fois sous douane
Sans papiers, sans visa.
L’hôtesse de l’air en chef me les a confisqués.
Disons plutôt que je lui ai remis, subjugué.
Et qu’elle les a gardés.
Somptueuse, à l’avantage,
Elle délimite ma place entre les bandes

Et part, chaloupée, prendre le manche de l’avion rouge et noir.
Je l’implore
La supplie
De m’apprendre la danse.
Je les vaux bien tous ces machos
Aux fesses en pomme, à la moustache mauve…
Paso doble de cuisses…, j’ai l’oreille en hélice.

Et voici qu’elle m’appelle, que ses seins me sourient…
Passager VIP, j’attends ma toute première leçon
Sage comme un nuage En face de l’horizon et de la piste
Qu’elle fait vibrer d’un tempo de talons.


"Tango on my Mind"
(Tour de contrôle)


"Le Bateau ivre"

(lampe)

Quel temps de chiennes
Quel putain de brouillard
Depuis trois lunes je ne vois plus ma proue en iroko sertie d’ivoire…
Que n’y puis-je surseoir…
Le galion de whisky a glissé par hasard
Sur la commode or et noir.
Combien de verres ai-je bu dans combien de tiroirs ?
Souvenirs trop confus d’un capitaine bagnard
de quoi, de qui, et me voilà encore cette nuit
à tenter de comprendre, à chercher à savoir
Alors qu’en fait les signes ne cessent leur vol qu’aux prémices du soir
Attendre donc et espérer qu’un souffle calme me caresse tôt ou tard
M’expulse de ces contenants, prisons aux murs miroirs
Qu’une belle étoile aux hanches de comète me convoque au parloir
Bouteilles à la mer, déprimes coulées à pic au fond,
cap plein amour de la vie, à ses plaisirs sans fards.

"Le Scaphandrier et la daurade blessée" (lampe)


Le plongeur aperçut la daurade
Couchée dans la courbe d’une amphore brisée.
Elle respirait difficilement, comme une belle imprudente sauvée de la noyade.
Le flanc meurtri, son beau tribord était blessé.
L’homme aux semelles de plomb détourna sa balade
Et s’approcha de la farouche bleutée.
Il la prit dans ses bras aussi délicatement qu’il eût fait pour un vase de jade.
Et la poissonne la regarda, un peu plus rassurée…
Alors le beau scaphandrier, le stétoscope torsade,
En osculta le cœur, le pouls précipité.
Alors il défit le tuyau qui le reliait aux bateaux qui mouillaient dans la rade.
Diffusa l’oxygène et redonna la vie, les bulles pressurisées,
A cet être fragile qui lui souriait et lui lançait sa première œillade.



Le Chat du théâtre (lampe)

Il était une fois un chat dans un théâtre
Aux fauteuils fuchsia.
Ce chat savait compter, mais seulement jusqu’à cent cinquante quatre.
C’était le nombre exact de places assises de cette belle agora.
Chaque soir, le chat comptait les spectateurs qui venaient voir les pièces de Sacha.
Il en calmait certains parfois prêts à se battre
Pour voir en étant vus, et surtout pour cela.
Comme pour la fois où une grande blonde devint quasi rougeâtre
A la vue du siège trop éloigné que le chat indiqua.
Elle miaula si fort en criant au désastre
Que le chat du théâtre sur sa jupe la griffa.
La blonde se résigna, la bouche en demi-piastre.
Des murmures chuchotèrent (chuchatèrent plutôt), et le chat recompta.
Il obtint le silence, et, félin, le rideau se leva comme l’eût fait un astre.

"Le Bateau-Phare"

(lampe)

J’abrite souvent mes angoisses au flanc de ce navire.
Quand j’accoste, l’esquif de mon corps profile une ombre étrange…
Elle s’estompe dans la flaque de lune qui sur la crête des vagues expire.

Où m’emporte ce bateau qui tendrement abat le jour ?
J’ai tant de paradoxes dans mes bagages
Tant de souvenirs, tant d’épreuves d’amour…

Le courant apaisera t-il mes meurtrissures et mes ampoules ?
La nuit, tous les requins sont gris…
Quand je pense qu’il y a peu, j’ai presque perdu la boule…


"Le Pilote de course gentleman"

(lampe)

Le drapeau à damiers
Flottait en échiquier
Au- dessus des tribunes.
Au premier strapontin, une brune.
Resquilleuse, sans billet, l’air faussement dans la lune,
Trichait du poudrier.
Rétro, viseur, accessoire fort utile
Quand il faut espionner…
Le pilote dépassa un à un ses concurrents aux pédales rancunes.
Le favori, dans sa Lotus prune,
Grimaça dans une rage à trembler
Quand James franchit la ligne en grand vainqueur
Et pesta que ce soit encore lui qui fasse toutes les unes.
La brune du début, émue et amoureuse,
tomba du strapontin tant elle était fébrile.
Et James fila vers elle, comme une trombe joyeuse.
Et lui tendit la main, élégamment gantée de salamandre des îles.
James portait la préférence aux strapontins
plutôt qu’aux trop cossues chauffeuses
Qui ignorent qu’au volant, l’approche et la conduite sont tactiques et tactiles.

"Les Complices"

(lampe)



"L'Avocate et le voleur d'escarpins" (lampe)

Elle arpente, l’avocate, et plaide, ardente.
Quinze mètres de prétoire pour que résonne son éloquence.
Sa robe virevolte quand le verbe devient dense.
L’accusé voit la belle gagner la première manche
Et se sent déjà libre de voler de nouveau dans les branches…
Madame la procureur frappe le parquet plus fort et tranche.
Les hauts talents se mesurent et se toisent, l’incertain est immense.
La présidente décidera, entre femmes, quelle sera la sentence
Et jugera le voleur d’escarpins et ses belles offenses.

Walk-Don't Walk

(lampe)


"Le Mérou lumineux" (lampe)



C’était morte saison à l’Hôtel des Flots
Et un mérou, la nuit, en était le veilleur.
Et rien, pas l’ombre d’un client.
Et l’ennui plus que gros.
Et soudain une femme pénétra, à deux heures.
Somptueuse, cambrée comme un appât,
Allumeuse d’hidalgos.
La suite avec baignoire.
De suite et rien que le meilleur.
Et la queue du mérou inscrivit au registre
Celle qui se nommait O.
La laissant onduler sur les presque trépas
Que conjuguait son cœur.





"Le Petit Masque aux vagues"


"La Lampe de l'hipocampe"

Les galops s’arrêtent à quelques mètres des premières vagues.
Les crinières au couchant devinrent blondes puis rousses.
Les sables s’effondrèrent comme une femme qui divague.
Et tous les coquillages tremblèrent comme s’ils avaient la frousse.
Et la nuit noire comme une toise qui targue
Couvrit la plage d’une inquiétante mousse.
Et le jockey joker brancha la lampe voulant faire une blague.
Et les enfants naquirent pour être ceux de tous.



" Le Catamaran des absurdes"

(lampe)


Les vents contraires m’escortaient
Moi à qui l’on avait appris à demeurer en place
En lieu. Des lieues d’obéissance balisées à la craie.
Combien de marées d’équinoxe m’aura-t-il fallu pour gagner mon espace !
A trop penser aux pourquoi des comment, les nuits où le corps se tait,
Mes baromètres divaguent et je m’invente des sas
Pour aller vers je ne sais quelles issues ceintes de vrai…
Catamaran. Mes angoisses et mes doutes dans la nasse.
Mes espérances frappent l’écume
Qui dessine, en surface, de bien étranges portraits.
Trouverai-je bientôt le mystique détroit, cette clef en forme de passe… ?
Vivre les vagues qui comprennent mes plaies.
Le gouvernail est un ami, il me faut être un as.
Les quatre, tant qu’à faire, pour signer de mes traces
Cet océan du grand absurde, où tout, au bout du compte, renaît.



"Le Petit Prince sur la planète E 421 D"

(lampe)

Le soir tombait et le vieil écrivain arma son stylo noir.
Il prit le carnet mauve et le flacon bleu nuit,
Et dévissa le capuchon de Bakélite cerclé d’ivoire.
Comme s’il y avait un secret qui s’y était glissé sans bruit…
du moins voulait-il le croire…
Ceux des tiroirs de son bureau, il souhaitait qu’ils le fuient.
Ils l’avaient épuisé, lui avaient fait rater sa vie durant, le centre du miroir…
L’orage éclata comme un crime, les bambous orangés ployèrent sous la pluie.
Tout au fond de la pièce, juste à côté de l’encensoir,
il était là, comme un astre qui luit.
Le romancier comprit qu’il était inutile de chercher à savoir,
Et vain et indécent de tromper sa conscience même quand celle-ci avait mûri.




"Le Petit Prince chevauchant le canard sauvage"
(lampe)

Le canard s’inquiétait du bas niveau des eaux
La pétanque des planètes opposerait en finale
Les justes et les cyniques. Les raisons
Eclateraient en morceaux…
Mais que resterait-il tu le chant des cigales ?
Il faudrait bien la nuit entendre les oiseaux
Et ceux-là mêmes vainqueurs de ces tragiques cascades
Fendraient le ciel de leurs étreintes verseau
Guidés dans leurs destins, quels qu’ils soient, quoiqu’ils valent
Par un petit bonhomme venu de nulle part,
Vêtu comme un cadeau
Qui truciderait l’angoisse et ferait l’âme nomade.


"Le Perroquet du vestiaire"


Le drôle d’oiseau régnait en maître
Sur cette alcôve en forme de cœur.
Quatre bourgeoises pénétrèrent dans le club
Gesticulant et piaillant fort.
Toutes les quatre en visons.
«Oh ! le joli oiseau», fit l’une.
«Comme il est drôle», fit une autre.
«Coco, coco…», cria celle en tailleur Chanel.
«Vous avez vu sa queue ?» gloussa la blonde aux tétons
qui dardaient sous la soie…
Le perroquet resta stoïque
Et distribua les jetons bleus.
A l’aube, les bourgeoises éméchées
Voulurent reprendre leurs fourrures.
Bariolés les visons devenus.
Les cris fusèrent, aïgus.
Les belles repartirent,
Abstraites dans leurs nouvelles couleurs.


"Le perroquet qui se demande ce qu'il fout là"




"La Naïade au sein blanc"


J’eus soif de lumière dans ce noir trop intense.
Mon rêve se blessait doucement aux berges du ruisseau.
De grosses pierres ovoïdes perturbaient le silence,
Lisses et semblant disposées comme un chapelet d’anneaux.
Mon rêve était trop seul, il redoutait les absences.
Je la vis émerger des remous qu’elle figea en cerceaux
Pour y sauter dedans.
Elle dicta au ruisseau devenu d’un coup torrent et la mesure et la cadence.
Et l’éclat de son sein colora toute l’eau,
Qui devint blanche. Et par endroits, en transparence,
Je voyais le reflet de mon double troublé
comme quand la scène appréhende le rideau…
Mais la naïade me souffla mon texte car j’avais su retenir sa préférence
En écourtant ma nuit pour qu’elle panse ma douleur
cerclée de plomb dans un arceau.

"La Liseuse de bonne aventure"
(lampe)



La grosse motocyclette haleta
Et puis ce fut la panne.
Le temple était étroit et sombre, frémissait sous les lianes.
Il y avait de drôles d’ombres…
Sa gorge se noua, son angoisse en titane
Voila le soir du trouble qui encombre.
Soudain, dans une faille, dans une lumière diaphane,
Assise sur une pierre gravée de quatre nombres,
Elle raconta l’espoir de ses aubes birmanes.



"La Main aux fesses"



"La Lampe de la banquière"

La finance est un art martial.
Il faut séduire et caresser. Et il faut mordre.
La présidente est belle. Son jeu semble souvent glacial.
Et ses chargés d’affaires prennent de belles branlées
S’ ils s’éloignent trop des ordres.
Madame impose un reporting fatal.
Le flatteur est viré sur-le-champ, sa vanité non essorée, à tordre.
L’incompétent, c’est pire. Car le faux pas conduit direct au terminal.
Madame la présidente place la barre au cran inaccessible,
Aucune autre femelle dans ce building de loups. Elle s’impose, inflexible.
Elle marque son staff de son empreinte, le mène plus loin que l’exigible.
Elle connaît toutes les bourses, leurs potentiels et leurs possibles.
Femme. Dominatrice. Forte parce que fragile à cœur par cœur,
Elle maîtrise le sensible.
Le mâle qui postule doit la séduire et apporter la preuve tangible
Qu’il aime la vie plus que l’argent, ce vulgaire combustible,
Pour mériter de porter ses couleurs et se battre pour Elle, d’un talent invincible.


" Le Maharadja aux larmes bleues"


A l’est de cette Inde indicible,
Au cœur de cette jungle invincible,
Où l’étrange est la norme, où rien n’est impossible,
Le Maharadja a fui les faux-semblants
et les singeries trop imbéciles
De cette caste dont il est bien issu qui aujourd’hui le crible.
Dans ce monde qui n’est plus exigeant, mais par trop exigible,
Même à la chasse, les tigres boudent la cible…
Alors parfois, le prince pleure. Seul. Inaccessible.
Des larmes bleues. Belles et étincelantes.
Car le prince est sensible.


"Et voguent mes amours"



Je cale au bout de la jetée
A force de suivre trop de vent et de belles alizées.
A trop hisser la drisse
A vouloir jouer du temps
Mon cœur griffé d’embruns
S’est par trop abîmé…
J’aime pourtant ces Afriques
Où les rythmes sont lents,
Me caressent les reins,
Menthe des vérités…
Embarcadères fragiles,
Destinations des insolents
Tenir le cap pourtant,
Survivre naufragé
Pour les reines naviguent au flux de leurs instants.
Quand le désert chuchotera aux noyés
Ce qu’ils n’ont su comprendre au propice du moment.
Les vagues, devenues précises, me porteront de leur éternité.




"La Barque de l'€gérie"

(lampe)


Toute sa soif d’aimer jaillit de ces fontaines
Où je m’abreuve et où j’apaise ce doute trop brûlant.
Son lit est une rivière où elle nage, provocante.
Les je-dis y sont mille chaque semaine.
Et elle inspire le futur du moindre de mes instants.
Elle et ses fesses pensantes.
Elle me dresse et m’entraîne
A ouvrir des voies interdites, inconnues au cadran.
Elle colore mon âme et moissonne au filet d’une main caressante.




"L'Alpiniste à la botte"
(lampe)




"Le Canard chirurgical"

Dans la contrée des mandarins, un canard est devenu médecin.
Ne me demandez pas pourquoi, car ma mémoire est trop rayée.
Ce dont je me souviens, c’est de m’être trompé de fleuve et de chemin.
Et de m’être évanoui aux confins des vallées…
Il me revient un battement d’elles , aux plumes parfumées de destin.
Et puis une caresse. Douce, précise. Qui provoqua mon doute d’avoir ou non rêvé.
Mais je sais maintenant ce que ce bel oiseau a opéré, d’instinct.
C’est bien ma force qui était entamée, et comme gangrénée…
Et toutes les berges désormais me tendent leurs bras, en m’ordonnant de vivre chaque matin.


"Le Phare des espérances" (lampe)

Est-ce toi, terre promise en cette lumière perçante ?
Brumes qui se déchirent…
Correspondances trop lasses de demeurer dans des calepins trempés.
Belles épistolaires aux plumes tant excessives que l’encrier chavire,
Qui lisent la détresse les lèvres humides de leurs thés.
L’errance s’entend bien plus qu’elle ne s’écoute.
Les ambitions sont le feu et les désirs la flamme…
L’escale, le long séjour, les visas. Je, tu, il, nous et eux.
Les âmes persisteront d’être nomades.
Les destinées accostent à l’aube, au quai de l’Incertain.
Les mémoires prennent déjà racines dans l’argile d’un sol neuf.
Conquérir et bâtir, vaincre et vivre.